Les traducteurs indépendants et la mobilité

La profession de traducteur indépendant (ou freelance) est souvent synonyme de travail à domicile et cet isolement, malgré le développement des réseaux sociaux sur Internet, est perçu comme une contrainte par beaucoup de traducteurs. Le développement des points d’accès à Internet, l’outil indispensable pour exercer cette profession, et des nouvelles technologies offrent une véritable opportunité pour ouvrir son lieu de travail vers le monde extérieur. Les pratiques changent donc rapidement et je voudrais vous présenter deux phénomènes particulièrement évocateurs à ce sujet, les espaces de travail partagés et le « cybernomadisme » professionnel. Je les ai découverts récemment et je ne connais pas tous les tenants et les aboutissants mais je vous offre quelques pistes…

Les espaces de travail partagés (co-working spaces)

Comme les traducteurs, de nombreux professionnels spécialisés dans le Web (créateurs de sites Web, graphistes, développeurs freelance) n’ont besoin que de leur ordinateur et d’une connexion à Internet pour travailler et, par conséquent, sont souvent tentés par une séance de travail à l’extérieur de leur domicile pour rompre avec leur isolement. Ils se retrouvent ainsi à travailler dans les cybercafés, les bibliothèques et tous les lieux offrant un peu de tranquillité et une connexion à Internet. À mesure que ces métiers se sont développés, les indépendants ont recherché des espaces communs à partager avec d’autres indépendants pour exercer leur profession et ne plus travailler à domicile. Ces espaces de travail communs deviennent de plus en plus nombreux et sont conçus pour répondre aux besoins spécifiques de ces métiers. Ces lieux sont soit des bureaux traditionnels dont la location est partagée par des freelances, à leur propre initiative, ou soit des lieux d’accueil de freelances où il faut réserver des créneaux horaires (à l’heure ou au forfait). L’avantage du premier lieu me semble le coût mais cela implique de rechercher des collègues et de compter sur la pérennité de leur activité. Dans le deuxième lieu, vous ne courrez plus le risque de vous trouver seul à louer 250m2 et vous profitez des services et du confort mis à disposition (salles de réunion, salles de repas). Il faut néanmoins préciser que ces lieux sont plutôt réservés aux freelances déjà installés puisque cela implique des frais supplémentaires.

Je trouve ce mode de travail très intéressant puisqu’il permet d’avoir de véritables collègues de travail et d’échanger humainement, bien évidemment, mais également professionnellement. Les associations de compétences professionnelles et de réseaux commerciaux peuvent ainsi être extrêmement bénéfiques aux traducteurs et offrent une ouverture sur d’autres professions, d’autres pratiques et, pourquoi pas, d’autres clients. Cet espace de travail devient même un lieu de convivialité où les pauses sont partagées autour d’un café ou d’une partie de jeux-vidéos. Une véritable énergie semble se dégager de ces lieux expérimentaux et les indépendants se fédèrent ainsi autour de valeurs communes d’ouverture, de collaboration et de créativité. Ils sont encore limités aux grandes villes et se sont surtout développés dans les pays anglo-saxons mais ils arrivent peu à peu en France. Si vous voulez découvrir un de ces lieux fascinants, je vous conseille Execo à Montréal, Independents Hall à Philadelphie, La Cantine à Paris, Cooper Bricolage à New York et WigWam à Lannion. Un petit bémol à cette tendance, vous augmentez votre impact environnemental si vous vous déplacez en voiture jusqu’à cet espace de travail, alors que le travail à domicile reste quand même la pratique professionnelle la plus respectueuse de l’environnement ! Si vous voulez lire le témoignage d’une traductrice qui est convertie à cette pratique, je vous conseille le billet de Céline, les joies du cotravail.

Enquête auprès des traducteurs indépendants

Je me suis beaucoup documenté ces jours-ci,  comme vous pouvez le juger à la fréquence de mes billets et je tiens à féliciter l’initiative de TradOnline et KdZid pour leur enquête (format .pdf) auprès des traducteurs indépendants. Leur constat de départ, le manque de visibilité et de connaissance de la profession, justifie à lui seul la multiplication des études sur le métier de traducteur technique. Vous pourrez y apprendre de nombreuses informations sur le métier et le marché de la traduction (et plus particulièrement sur la relation entre les agences de traduction et les traducteurs freelance). En raison de la croissance du secteur et de l’évolution rapide des pratiques, il est primordial de mieux connaître les enjeux de la profession. Je tiens également à remercier les participants à cette enquête car j’avoue avoir découvert de nombreuses réponses inattendues. Le document est parfaitement commenté mais je souhaite mettre en relief certains résultats.

En effet, il est intéressant de constater que 25% des participants révèlent exercer une activité en parallèle. Il est dommage à ce propos de ne pas en savoir plus sur le type d’activité pratiqué. S’agit-il de rédaction technique, de formation ou d’un métier totalement différent ? Le statut d’indépendant est un choix dans la majorité des cas et peu de participants envisagent un changement de statut ou de chiffre d’affaires. Cela témoigne à mon avis en partie du bien-être de la profession et de la confiance en leurs compétences et en leurs clients. J’ai été surpris d’apprendre que de nombreux clients, 50%, se situent dans le marché de résidence du traducteur et que les agences de traduction occupent une place écrasante parmi les clients. Comme je l’expliquais dans mon billet précédent, de meilleures compétences en matière de marketing semblent être décisives pour les traducteurs souhaitant développer leurs relations commerciales avec des clients directs. L’expertise est également mise en avant par rapport au diplôme de traduction pour décrocher des contrats même si 56% des répondants sont diplômés en traduction. Concernant leurs relations avec les agences, les traducteurs attendent un délai de paiement raisonnable et un retour sur la qualité de la traduction. Je comprends tout à fait ces exigences mais je ne suis pas certain, d’après mon expérience, que les retours soient très nombreux sauf, évidemment, en cas de défaut de qualité (ce qui explique le manque de reconnaissance évoqué plus loin). TradOnline souligne le manque de compréhension de la part des traducteurs sur leur rôle de commercialisation, un facteur pourtant décisif pour une relation durable. Il est également surprenant que 33% des répondants se disent sans avis sur la relation entre agence et traduction même si 50% pensent que leur relation est bonne. Je pense que cela révèle un manque de compréhension flagrant et peut-être même une relation “forcée”. Une question du type “Préférez vous travailler avec une agence de traduction, un client direct ou un collègue”, aurait sans nul doute donné un résultat révélateur. Il s’agit donc d’un côté comme de l’autre de mieux se connaître pour améliorer ses relations au bénéfice final du client.

Bien évidemment, toutes ces études sont à mettre en perspective et à relativiser mais cette enquête offre un aperçu très intéressant sur la profession. Si vous avez des remarques ou des commentaires à apporter sur ces résultats, exprimez-vous ! Notre profession ne peut que sortir gagnante d’un véritable échange sur ses pratiques.

Ouvrages sur le métier de traducteur

Il existe plusieurs ouvrages sur la profession de traducteur technique en anglais. Je dois dire que je ne me suis jamais décidé à les acheter mais la lecture du billet de Kevin Lossner sur l’ouvrage d’Oleg Rudavin, Internet Freelance: Practical Guide for Translators est très intéressante puisqu’il nous apprend que des extraits sont disponibles sur le site Translator’s Tranining. J’ai pu ainsi lire le chapitre 3 et j’avoue également être conquis par le ton et la justesse des informations fournies par son auteur. Alex Eames, sur son site Translator’s Tips, propose également un ouvrage au titre évocateur How to Earn $80,000+ per year as a Freelance Translator. Il ne propose pas d’extrait sur son site mais la lecture du résumé de son intervention lors d’une conférence témoigne également de son excellente connaissance du métier. L’ouvrage de Corinne Mckay, How to Succeed as a Freelance Translator, semble fournir également de nombreux conseils pour démarrer une carrière de traducteur indépendant.  La lecture de son blog, Thoughts on Translation, donne une idée sur le style et l’expérience de cette traductrice.

 Il est indéniable que ces ouvrages peuvent souffrir de limites (différences de marchés, d’expérience, etc.) mais je reste convaincu qu’il est possible d’y trouver des sources d’inspiration pour mener à bien son projet ou développer sa clientèle. Ils peuvent constituer un excellent support pour les débutants afin de les aider à éviter les écueils les plus courants lors du lancement de leur projet et, à mon avis, sont surtout intéressants pour leurs conseils en matière de marketing. Les formations de traduction oublient souvent de proposer des cours dédiés à la promotion de ses services, à la recherche de clients et à l’entretien de relations commerciales. Rédigés par des professionnels du secteur, ils peuvent apporter un véritable complément aux formations universitaires grâce aux divers conseils et témoignages sur la réalité de la profession. Ils peuvent également aider les traducteurs expérimentés à se tenir informés de l’évolution des pratiques de leurs confrères.

 Si vous voulez lire un ouvrage en français, Daniel Gouadec, propose Profession Traducteur, un ouvrage dédié aux métiers et marchés de la traduction. Son site Internet permet de découvrir le contenu très détaillé de cet ouvrage. Vous pouvez également connaître ses nombreux autres ouvrages sur le site de la Maison du dictionnaire.

 Pour obtenir des avis sur ces livres, je vous conseille de lire les commentaires sur Amazon et si vous hésitez, comme moi, il est sans doute possible de se procurer des versions d’occasion. Si vous avez lu un de ces ouvrages (ou non), je serais curieux de connaître votre avis ou  peut-être pourriez-vous me conseiller un autre titre. ;-)

 

10 conseils pour devenir traducteur technique

Passionné par mon métier, je ne résiste pas à l’envie de donner, avec humilité, quelques conseils indispensables à l’intention de celles et ceux qui souhaitent se lancer dans une carrière de traducteur technique salarié ou indépendant :

1.  Se renseigner sur la réalité de la profession et de ses acteurs par le biais de rencontres, lectures (forums, sites internet…), journées “portes ouvertes”

2.  S’assurer de l’adéquation de ses compétences linguistiques avec le marché de la traduction

3.  Se former constamment en termes de compétences linguistiques, techniques et administratives

4.  Se spécialiser par le biais de formations, lectures, traductions bénévoles, rencontres

5.  Adhérer à un organisme professionnel tel que la SFT

6.  Connaître les tarifs du secteur et ne pas “brader” ses services

7.  Accepter uniquement les traductions adaptées à ses bagages linguistiques, techniques et logistiques

8.  Démarcher les donneurs d’ordre potentiels

9.  Promouvoir son métier et ses compétences

10.  Anticiper l’évolution des pratiques professionnelles et du marché de la traduction

Il est fondamental de respecter ces principes (même si cette liste n’est pas exhaustive) pour démarrer en tant que traducteur technique et pérenniser sa carrière. Il faut également garder à l’esprit que la clé est la satisfaction du donneur d’ordre et qu’il est de la responsabilité de chaque traducteur de répondre à ses besoins. Il s’agit donc de lui garantir une prestation de services optimale tout en s’assurant de la viabilité de son propre projet et de son épanouissement personnel et professionnel.

“Tout traducteur est un apprenant perpétuel”, si vous voulez plus d’informations sur les enjeux de la traduction professionnelle et les ressources disponibles sur Internet , je vous conseille fortement l’excellent document publié par Jean-Marie Le Ray intitulé Les enjeux de la traduction, de la formation à la profession. Il rappelle que la communication est un des piliers du métier de traducteur et il est, à mon avis, crucial de perfectionner ses compétences en communication pour progresser dans cette profession. Bonne lecture et tous mes encouragements si vous souhaitez intégrer cette profession.